
JURISPRUDENCE – CONSTRUCTION – Panneaux photovoltaïques la fin d’une épopée judiciaire ?
Le 10 novembre 2025
La Cour de cassation a une nouvelle fois (espérons la dernière) été saisie du problème sériel des boîtiers de connexion des panneaux photovoltaïques.
Cass, civ 3, 25 septembre 2025 n° 23-22.955
Pour rappel, la Cour de cassation a déjà statué sur cette question le 21 septembre 2022 en cassant un arrêt rendu par la Cour d’appel de Pau et a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Bordeaux. Cet arrêt a fait l’objet d’un nouveau pourvoi. (Cet arrêt a déjà fait l’objet d’un commentaire)
Cass, Civ3, 21 septembre 2022 n°21-20.433
Pour rappel, la question est de savoir si les désordres affectant les boîtiers de connexion de panneaux photovoltaïques intégrés en toiture dont la vocation est exclusivement professionnelle sont soumis à la garantie décennale.
En l’espèce, une société a confié à un constructeur la conception, l’installation, le démarrage et le raccordement d’une unité de production d’énergie solaire comportant des panneaux photovoltaïques équipés de boîtiers de connexion, sur la toiture d’un bâtiment industriel appartenant à une SCI.
Peu de temps après l’installation, le maître d’ouvrage a constaté plusieurs incidents de production.
Les désordres ont pour origine un défaut sériel affectant les boîtiers de connexion c’est-à-dire un accessoire du panneau voltaïque parfaitement dissociable.
Le maître d’ouvrage a assigné le constructeur, son assureur ainsi que les fabricants des panneaux photovoltaïques et des boîtiers de connexion.
La Cour d’appel de Pau a estimé que les désordres n’engageaient pas la responsabilité décennale du constructeur aux motifs que les panneaux photovoltaïques constituent un élément d’équipement dissociable, que les désordres portent atteinte à la destination de l’équipement uniquement mais pas à l’ouvrage dans son ensemble dans la mesure où la fonction de couverture est assurée, et que l’installation de production d’électricité avait pour fonction exclusive de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage.
a Cour de cassation saisie une première fois a cassé l’arrêt précité aux motifs que les panneaux photovoltaïques sont des ouvrages car ils participent « de la réalisation de l’ouvrage de couverture dans son ensemble, en assurant une fonction de clos, de couvert et d’étanchéité du bâtiment »
La Cour d’appel de Bordeaux, saisie après cassation, a estimé que l’installation photovoltaïque « ainsi intégrée en toiture constitue, dans son ensemble, un ouvrage de construction ayant pour fonction la production d’électricité mais également le clos et le couvert ». Elle a, dès lors, condamné l’assureur du constructeur liquidé à prendre en charge les travaux de reprise sur le fondement de la garantie décennale.
L’assureur du constructeur a formé un nouveau pourvoi.
La Cour de cassation, nouvellement saisie, a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Bordeaux estimant que la Cour d’appel n’avait pas recherché « comme il le lui était demandé, si les modules photovoltaïques équipés des boîtiers de connexion défectueux, bien qu’intégrés à la nouvelle toiture composée de bacs en acier, ne constituaient pas des éléments d’équipement dépourvus de fonction de clos ou de couvert permettant exclusivement l’exercice d’une activité professionnelle de production et de vente d’énergie. »
Elle rappelle que « ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage. »
La Cour abandonne, par conséquent, sa jurisprudence aux termes de laquelle elle avait une approche globale des travaux. Si les travaux constituaient, dans leur ensemble un ouvrage, elle estimait que ces travaux étaient soumis à la garantie décennale.
Désormais, la Cour estime qu’il y a lieu de rechercher si, au sein de l’ouvrage, les désordres ne concerneraient pas un élément d’équipement et identifier si cet équipement n’avait pas une fonction exclusivement professionnelle.
En l’espèce, il ne saurait être contesté que les travaux constituent un ouvrage. Les panneaux photovoltaïques assurent en effet le clos et le couvert du bâtiment. Cependant, les désordres concernent uniquement le boîtier qui est un élément destiné à fonctionner et qui pourrait être qualifié d’élément d’équipement.
Les boîtiers ont été démontés, il n’y a plus de risque d’incendie pour l’ouvrage dans sa globalité. Les désordres affectent donc uniquement l’activité professionnelle. Dans ces conditions, l’article 1792-7 du Code civil (« Ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage ») devrait s’appliquer dans ce cas et la garantie décennale devrait être écartée.
Il faudra attendre l’arrêt qui sera rendu par la Cour d’appel de Bordeaux pour connaître l’issue de ce litige.
Après un mouvement expansionniste de la garantie décennale pour mieux protéger les maîtres d’ouvrage, la Cour de cassation fait aujourd’hui machine arrière.
Cette décision s’inscrit dans le prolongement des dernières décisions rendues par la Cour de cassation aux termes desquelles elle opère un resserrement du champ d’application de la garantie décennale.

Avocat