
ACTUALITE – Loi LE MEUR – Episode 2 : La régulation des meublés de tourisme en copropriété
Le 5 mars 2025
Depuis plusieurs années et l’essor des plateformes de location telles que AIRBNB, ABRITEL ou encore BOOKING, la législation en matière de location meublée de tourisme ne cesse d’évoluer afin de réguler davantage le marché de la location.
La loi en date du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle local, dite loi LE MEUR, complète le cadre législatif de la location meublée de tourisme, en vue notamment de favoriser la location de longue durée et lutter contre les déséquilibres du marché locatif.
Outre la régulation assumée du marché de la location meublée touristique, la loi LE MEUR ambitionne également de mettre un terme à certaines nuisances subies par les copropriétaires dans certaines copropriétés (dégradation de parties communes, nuisances sonores…).
Il convient ainsi de revenir sur les principaux apports de la loi LE MEUR en matière de droit de la copropriété :
- Sur la mention de l’activité de location meublée touristique au règlement de copropriété :
- Pour les règlements de copropriété établis postérieurement au 21 novembre 2024, soit après l’entrée en vigueur de la loi LE MEUR :
Depuis le 21 novembre 2024, tous les règlements de copropriété nouvellement établis devront expressément mentionner l’autorisation ou l’interdiction de la location en meublé de tourisme par les copropriétaires au sein de l’ensemble immobilier.
Cette obligation trouve désormais place au sein de l’article 8-1-1 de la loi du 10 juillet 1965 :
« Les règlements de copropriété établis à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale mentionnent de manière explicite l’autorisation ou l’interdiction de location de meublés de tourisme, au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code de tourisme. »
Cette nouvelle mesure devrait donc permettre d’éviter un certain nombre de contentieux autour de l’interprétation des règlements de copropriété postérieurs à la loi LE MEUR s’agissant de la question de la possibilité d’exercer une activité meublée touristique type AIRBNB dans une copropriété.
- Pour les règlements de copropriété antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi LE MEUR :
S’agissant des règlements de copropriété antérieurs à la loi LE MEUR, il est désormais prévu la possibilité d’y apporter une modification en y insérant l’interdiction de louer en meublé de tourisme pour une courte durée, conformément aux dispositions de l’article 26 modifié de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (double majorité, correspondant à la majorité des copropriétaires de l’immeuble représentant au moins les deux tiers des voix des copropriétaires).
L’article 26 d) de la loi du 10 juillet 1965 dispose effectivement que :
« Sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant : […]
- d) La modification du règlement de copropriété qui concerne l’interdiction de location des lots à usage d’habitation autres que ceux constituant une résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, en meublés de tourisme au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.
La modification prévue au d du présent article ne peut être décidée que dans les copropriétés dont le règlement interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale. »
Ainsi, pour pouvoir modifier un règlement de copropriété en vue d’y interdire la location meublée touristique, il est nécessaire de recueillir la majorité du syndicat des copropriétaires représentant au moins les deux tiers des voix.
Cette nouvelle règle vient alléger la majorité exigée puisqu’auparavant il était nécessaire d’obtenir l’unanimité des copropriétaires.
De surcroît, cette interdiction ne pourra être insérée dans les règlements de copropriété que dans les situations suivantes :
- L’interdiction ne peut pas porter sur un lot constituant une résidence principale (lesquels peuvent être loués en meublé de tourisme dans la limite de 120 jours ou 90 jours par an en application de l’article L.324-1-1 du Code du tourisme) ;
- L’interdiction de louer un meublé de tourisme ne peut porter que sur des lots qui ne sont pas à destination commerciale ;
- L’interdiction ne peut être votée que si le règlement de copropriété exclut déjà l’exercice de toutes activités commerciales au sein de l’ensemble immobilier.
Autrement dit, seuls les règlements de copropriété comportant une clause d’habitation bourgeoise (i.e. une clause prévoyant que les lots de copropriété ne pourront être utilisés qu’à usage d’habitation, mais dont l’exercice de certaines professions libérales est toléré) pourront être modifiés à la majorité de l’article 26 en vue d’interdire la location de meublés de tourisme au sein de l’ensemble immobilier.
Néanmoins, dans l’hypothèse où les conditions permettant le vote à la majorité de l’article 26 ne sont pas réunies (majorité des deux tiers des voix des copropriétaires), la passerelle de l’article 26-1 de la loi du 10 juillet 1965 demeure possible, avec un vote à la majorité de l’article 25 (majorité des voix de tous les copropriétaires).
Quoiqu’il en soit, la portée de cette nouvelle mesure demeure limitée, dès lors que la plupart des règlements de copropriété ne comportent pas nécessairement de clause d’habitation bourgeoise. A défaut d’une telle clause, les copropriétaires ne pourront effectivement voter l’interdiction de la location meublée touristique.
Ce point fera vraisemblablement l’objet d’un certain nombre de discussion en jurisprudence.
- Sur l’obligation d’information à l’égard du syndic de copropriété
Ainsi qu’il l’a été vu dans l’épisode 1 de cette série (lien), toute location de meublé de tourisme doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la mairie du lieu de situation de l’immeuble.
Désormais, lorsqu’un copropriétaire souhaite déclarer la mise en location d’un meublé de tourisme en mairie (à condition que le règlement de copropriété l’y autorise), il doit également en informer le syndic, en sollicitant l’inscription de cette information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale des copropriétaires.
L’objectif affiché de cette mesure tend à obtenir davantage de transparence des copropriétaires envers la copropriété.
Le nouvel article 9-2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose effectivement :
« Lorsqu’un lot de copropriété fait l’objet de la déclaration prévue à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, le copropriétaire ou, par son intermédiaire, le locataire qui y a été autorisé en informe le syndic. Un point d’information par le syndic relatif à l’activité de location de meublés touristiques au sein de la copropriété est inscrit à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale. »
A ce jour, il n’existe donc pas, pour le syndic, l’obligation de convoquer une assemblée générale extraordinaire sur ce point.
Cette information devra seulement être inscrite lors de l’assemblée générale ordinaire devant se tenir au cours de l’année.
Il conviendra ainsi pour les syndics d’être particulièrement vigilants quant à la rédaction de ces résolutions, afin notamment d’éviter des remises en cause de ces assemblées générales par certains copropriétaires désireux d’y pratiquer une activité de location meublée touristique.
Enfin, la sanction du non-respect de cette obligation d’information du syndic par le copropriétaire désireux d’exercer une activité de location meublée touristique n’a pas été prévue par la loi LE MEUR.
Néanmoins, une action à l’encontre du copropriétaire contrevenant demeure parfaitement envisageable au titre d’un éventuel manquement à son obligation d’information à l’égard du syndicat des copropriétaires.
Là encore, et en l’absence de précisions de la loi sur ce point, cette obligation d’information des copropriétaires est susceptible de faire émerger un certain nombre de contentieux en jurisprudence.
En conclusion, cette nouvelle loi LE MEUR vient inciter les copropriétés à réguler elles-mêmes les locations de meublés de tourisme, par l’introduction de nouvelles mesures.
Reste à savoir comment les assemblées générales de copropriétaires appliqueront ces nouvelles règles.
