RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS : Quid des travaux non conformes au DTU sans désordre ?

Le 29 novembre 2021

Cass. Civ. 3ème, 10 juin 2021, n° 20-15.277

Dans une nouvelle décision rendue par la 3ème chambre civile, la Cour de cassation rappelle que le DTU n’est pas une norme obligatoire et que son non-respect, en l’absence de désordre, n’est pas susceptible d’engager la responsabilité des constructeurs. (Cour de cassation, 3e chambre civile, 10 Juin 2021 – n° 20-15.277)

Pour être susceptible d’engager la responsabilité des constructeurs ou de leurs sous-traitants, le DTU doit avoir été contractualisé ou il doit être à l’origine d’un désordre.

En l’espèce, un promoteur entreprend la construction d’une plateforme logistique composée d’entrepôts et de bureaux.

Ces travaux sont confiés à une entreprise générale qui a sous-traité le lot charpente métallique.

Les travaux sont réceptionnés le 18 janvier 2001.

Après la réception de l’ouvrage et à la suite d’un orage, une partie de la toiture d’un des entrepôts s’est affaissée.

Un expert judiciaire a alors été désigné afin de déterminer l’origine des désordres.

Au cours des opérations d’expertise, l’expert judiciaire a identifié une non-conformité au DTU de la toiture.

Cependant, aux termes de son rapport, l’expert judiciaire a conclu que :

  • La non- conformité de la toiture au DTU n’est pas génératrice de désordres,
  • L’affaissement de la toiture a pour origine un défaut d’entretien.

Malgré les conclusions de l’expert, le propriétaire a assigné le sous-traitant du lot charpente métallique, l’entreprise générale et le contrôleur technique en indemnisation de ses préjudices résultant de la non-conformité des toitures.

La Cour d’appel, infirmant le jugement rendu en première instance, a condamné les constructeurs et le sous-traitant à indemniser le propriétaire considérant que « quand bien même le marché ne fait pas référence à ce document, celui-ci et l’ensemble des DTU font partie intégrante de la catégorie plus large des règles de l’art, ensemble des règles et techniques professionnelles validées par l’expérience et admises par les professionnels, opposables à ceux-ci, et que la responsabilité des constructeurs et du contrôleur peut donc être retenue puisque la charpente de l’entrepôt livré s’est révélée non-conforme à un DTU. »

La Cour de cassation censure la décision de la Cour d’appel de Paris.

La Cour de cassation rappelle le principe selon lequel « en l’absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur. »

En l’espèce, le DTU n’était pas mentionné dans le marché et n’avait donc pas été contractualisé. Par ailleurs, la non-conformité n’était à l’origine d’aucun désordre, dans le délai décennal d’épreuve du bâtiment.

A l’aune de la multiplication des normes, cette décision :

  • rappelle la portée limitée des DTU qui sont dépourvus de valeur normative. Ils restent un document récapitulatif des bons usages rédigé par la profession. 
  • permet, dans le cadre d’une expertise judiciaire, de rappeler que si la mission de l’expert porte sur l’examen des désordres, celle-ci ne s’étend pas aux non-conformités aux DTU sauf à ce que ces DTU soient entrés dans le champ contractuel ou soient à l’origine de désordres.

Manon PHILIPPONNEAU

Avocat 

CLARENCE AVOCATS

Partager l'article