Le loyer du bail commercial : un supplément pour le service en terrasse ?

Le 12 novembre 2021

Cass. Civ. 3ème, 13 octobre 2021, n° 20-12.901

Ces derniers mois, chacun a pu constater la modification des cheminements piétonniers dans les centres-villes et la neutralisation de plus en plus de places de stationnement du fait de l’apparition ou de l’agrandissement des terrasses des bars ou restaurants.

Ces autorisations d’occupation du domaine public ont précisément été étendues dans le but de soutenir un secteur durement touché par les restrictions sanitaires, certaines communes renonçant même à percevoir leurs droits d’occupation de l’espace public.

La terrasse qui était alors la planche de salut des restaurateurs risque cependant de devenir la planche à billet de leurs bailleurs.

En effet, dans un arrêt rendu le 13 octobre dernier, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que « l’autorisation commerciale municipale accordée, en permettant d’étendre l’exploitation d’une terrasse sur le domaine public, contribue au développement de l’activité commerciale » de sorte que les juges du fond doivent rechercher « si cette situation modifie les facteurs locaux de commercialité et constitue par là-même un motif de déplafonnement ».

Dans cette même affaire, la Cour d’appel de BESANCON avait écarté la demande du bailleur visant à obtenir le déplafonnement du loyer au motif que l’extension en cours du bail expiré de la terrasse de l’établissement ne pouvait pas être considérée comme une modification des caractéristiques des locaux loués pour la simple raison que la terrasse ne fait pas partie des locaux loués.

Il s’agit en effet d’un équipement annexe mis en place en vertu d’une autorisation précaire d’occupation du domaine public, et non par l’effet du bail lequel porte uniquement sur les locaux loués de sorte que les dispositions des articles R 145-3 et R 145-4 ne sont pas applicables.

Sur ce point, la Cour de cassation confirme l’analyse.

Elle censure cependant l’arrêt d’appel en reprochant à la Cour d’appel de BESANCON de ne pas avoir recherché si l’agrandissement de la terrasse ne pouvait pas s’analyser comme étant une modification des facteurs locaux de commercialité de nature à justifier le déplafonnement.

Autrement dit, si la porte du déplafonnement au titre de l’agrandissement de la terrasse est fermée au titre des articles R 145-3 et R 145-4, elle resterait ouverte au titre de l’article R 145-6.

A tout le moins, la Cour de cassation invite les juridictions du fond à se pencher sur le sujet.

Rappelons cependant que l’article R 145-6 du code de commerce dispose que les facteurs locaux de commercialité dépendent de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré :

  • L’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé ;
  • Du lieu de son implantation,
  • De la répartition des diverses activités dans le voisinage,
  • Des moyens de transport,
  • De l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée, et des modifications que ces éléments subissent de manière durable ou provisoire.

Il reste à savoir auquel de ces critères, l’agrandissement de la terrasse peut être rattaché.

A bien y réfléchir, l’exercice parait très délicat en première analyse, sauf à considérer que la terrasse modifie la répartition des activités dans le voisinage, l’exploitant devenant en quelque sorte du fait de l’occupation du domaine public le voisin occasionnel de son propre établissement.

En résumé, par un raisonnement contrintuitif, si l’agrandissement de la terrasse ne modifie pas les caractéristiques du local, elle modifie, au bénéfice du commerce exploité, le voisinage qu’il s’est lui-même créé.

Alors à la question de savoir si la terrasse est une aide ou un piège, on peut toujours répondre qu’il y a deux façons de voir les choses : le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein…

Références

  • Article R 145-33 du Code de commerce
  • Article R 145-34 du Code de commerce
  • Article R 145-3 du Code de commerce
  • Article R 145-4 du Code de commerce
  • Article R 145-6 du Code de commerce

Joachim BERNIER

Avocat associé – MRICS

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