JURISPRUDENCE – Urbanisme – Quand l’agriculteur s’arrête, que devient son logement de fonction ?

Le 2 septembre 2024

Par un arrêt rendu le 13 février 2024 (461461), le Conseil d’Etat juge que le logement de fonction construit pour les besoins d’une exploitation agricole conserve sa vocation même si la personne qui l’occupe ne participe plus à l’exploitation.

Dans cette affaire, le requérant avait sollicité la délivrance d’un permis de construire un logement de fonction en zone agricole.

Le PLU n’autorisant la construction de logements de fonction agricole que dans la limite de deux logements de fonction par exploitation agricole, un refus de permis de construire a opposé dès lors que le père et le frère du demandeur avaient par le passé chacun obtenu un permis de construire un logement de fonction.

Le demandeur a contesté ce refus sans succès devant le Tribunal administratif de RENNES, puis devant la Cour administrative d’appel de NANTES (20NT02880), en faisant valoir que le logement de fonction de son père aurait perdu sa vocation dans la mesure où celui-ci était désormais à la retraite.

L’argument a été rejeté par la Cour, qui estime que « cette circonstance est sans incidence sur le caractère de logement de fonction de cette construction autorisée à raison de ce qu’elle était nécessaire à l’exploitation avicole des parents du requérant« .

Le demandeur a porté l’affaire devant le Conseil d’Etat, qui confirme la solution rendue en appel en précisant que « doit être regardée comme une construction à usage d’habitation attachée à une exploitation agricole existante toute construction à usage d’habitation dont la construction a été autorisée au motif qu’elle était, à la date de cette autorisation, nécessaire au fonctionnement d’une exploitation agricole, quand bien même l’occupant de cette habitation ne participerait pas, à la date à laquelle l’administration se prononce sur la nouvelle demande de permis de construire, à l’exploitation agricole« .

Le logement de fonction de l’agriculteur reste donc un logement de fonction, même lorsque l’agriculteur ne participe plus à l’exploitation agricole.

La décision est lourde de conséquence puisque le logement de fonction est, par définition, un local accessoire à l’exploitation agricole.

Or, le local accessoire est réputé avoir la même destination et sous-destination que le local principal (art. R. 151-29 CU).

Il s’ensuit que le logement de fonction de l’agriculteur doit être regardé comme relevant non de la destination « habitation » mais, en réalité, de la destination « exploitation agricole et forestière« .

Par ailleurs, ainsi que le rappelle le rapporteur public dans ses conclusions rendues sous cet arrêt, le bâtiment ne perd pas sa destination initiale lorsqu’il a fait l’objet d’autres usages (CE, 31 mai 2001, 234226).

Il semble ainsi que l’agriculteur retraité qui continue d’occuper son logement de fonction commet une infraction pénale dès lors que « le fait d’affecter à une utilisation contraire aux dispositions du plan local d’urbanisme des constructions régulièrement édifiées en vue d’une autre affectation constitue une violation de ce plan et le délit prévu à l’article L. 610-1 du code de l’urbanisme » (Cass. crim., 27 février 2024, 23-82.639).

Cette solution, qualifiée par le rapporteur public « d’excessivement sévère » pour l’agriculteur retraité de bonne foi qui entend rester dans son logement, a toutefois été validée par le Conseil d’Etat compte tenu des effets pervers et de difficultés de mise en œuvre qu’engendreraient d’autres interprétations.

Les conséquences sont également lourdes en cas de vente puisqu’une autorisation de changement de destination devra être obtenue pour qu’un acquéreur non-exploitant puisse régulièrement faire du logement de fonction sa résidence principale.

Investisseurs, notaires, professionnels de l’immobilier, soyez donc particulièrement vigilants lors de l’achat ou de la vente d’un logement de fonction !

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