JURISPRUDENCE – Urbanisme – Annulation (partielle) du décret du 29 juillet 2023 sur les règles d’hygiène et de salubrité des locaux d’habitation : retour vers le futur ?
Le 19 septembre 2024
Par un arrêt en date du 29 août 2024, le Conseil d’État a partiellement annulé, pour un motif de pure procédure, les articles R. 1331-17 à R. 1331-23 du code la santé publique institués par un décret du 29 juillet 2023 relatif aux règles d’hygiène et de salubrité des locaux d’habitation.
L’adoption de ces nouvelles règles avait fait couler beaucoup d’encre puisqu’elles prévoyaient notamment que locaux d’habitation présentant une hauteur sous plafond inférieure à 2,20 mètres n’étaient pas nécessairement impropres à l’habitation dès lors qu’ils respectaient par ailleurs les critères de décence issus du décret du 30 janvier 2002.
Concrètement, un local d’habitation présentant une hauteur sous plafond inférieure à 2,20 mètres pouvait donc échapper à la qualification de local impropre à l’habitation à la condition de disposer d’une pièce principale ayant soit une surface habitable d’au moins 9 m2 et une hauteur sous plafond d’au moins 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 m3.
On comprend donc qu’un logement présentant une hauteur sous plafond entre 2,20 mètres et 1,80 mètres (hauteur minimale pour que la surface considérée soit constitutive de surface habitable) pouvait être considéré comme propre à l’habitation dès lors qu’il disposait d’un volume habitable de 20 m3.
Ces dispositions ont permis de faire échec à l’application des règlements sanitaires départementaux (sans toutefois abroger les dispositions qu’ils comportent à ce sujet) susceptibles de comporter des critères de « propreté à l’habitation » plus stricts (comme, en Loire-Atlantique où le RSD prévoit qu’un logement doit présenter une surface supérieure ou égale à 16 m2 et une hauteur sous plafond de 2,30 mètres).
Si l’on peut supposer que les règlements sanitaires départementaux vont retrouver leur empire du fait de l’annulation partielle du décret prononcée par le Conseil d’Etat, il convient de rappeler – la jurisprudence est constante sur ce point – que toute méconnaissance d’un règlement sanitaire départemental ne saurait justifier de qualifier un local comme étant impropre à l’habitation :
« 3. Considérant que, pour juger que les locaux litigieux devaient être regardés comme des locaux par nature impropres à l’habitation, au sens des dispositions précitées, la cour a relevé que leur hauteur sous plafond était inférieure au minimum de 2,20 mètres prévu par le règlement sanitaire départemental ; que s’il lui appartenait de prendre en compte toutes les caractéristiques des locaux litigieux, notamment celles qui caractérisaient une méconnaissance de la réglementation applicable, telle qu’elle est en particulier prévue par le règlement sanitaire départemental, elle ne pouvait, sans erreur de droit, juger que toute méconnaissance de ce règlement, qui n’a pas pour objet de définir les modalités d’application des dispositions de l’article L. 1331-22 du code de la santé publique, justifie la qualification de local impropre par nature à l’habitation ; » (CE, 14 février 2018, 409356)
En outre, il est intéressant de relever que le juge a estimé qu’il n’y avait pas lieu de moduler les effets dans le temps de cette annulation (comme il peut en principe le faire en application d’une décision du 11 mai 2004, Association AC !, 255886)
Ainsi, l’annulation de ces dispositions sera vraisemblablement source de difficultés (qui vont engendrer un contentieux spécifique) puisque nombre de logements ayant été vendus ou loués comme étant propres à l’habitation grâce au décret de juillet 2023 pourraient, du fait du caractère rétroactif de l’annulation, être regardés comme ne l’ayant jamais été.
A noter, pour finir, que l’annulation prononcée par le Conseil d’État repose, on l’a dit, sur un pur motif de procédure puisqu’est sanctionné le fait que le décret ait été substantiellement modifié après la consultation du Haut Conseil de la santé publique et qu’une nouvelle consultation de cet organisme était nécessaire pour qu’il puisse examiner le projet de décret modifié.
Il n’est donc pas exclu que le prochain gouvernement (l’actuel ne pouvant qu’expédier les affaires courantes) réintroduise ces dispositions dans un futur plus ou moins proche.
Pour l’heure, bailleurs/vendeurs comme preneurs/acquéreurs concernés ont tout intérêt à étudier de plus près la situation avec leurs conseils afin de maîtriser ou de tirer profit de l’insécurité juridique engendrée par cette annulation.
Avocat Directeur