JURISPRUDENCE – Responsabilité de l’agent immobilier : une obligation d’information renforcée

Le 11 avril 2023

Par un arrêt en date du 16 mars 2023, la Cour de cassation affirme que l’agent immobilier peut être condamné in solidum avec le diagnostiqueur, au titre du manquement à son obligation d’information (Cass. Civ. 3ème, 16 mars 2023, n°21-25082).

En l’espèce, suivant un acte de vente en date du 6 juin 2014, un couple a acheté un bien immobilier de type « Mondial Pratic » par l’intermédiaire d’un agent immobilier.

Le rapport « amiante » figurant dans le diagnostic technique remis en annexe aux acquéreurs lors de la vente concluait à l’absence d’amiante.

Or, postérieurement à la vente, les acquéreurs découvrent sur internet, que le procédé de construction à base de plaques en fibrociment utilisé dans leur maison contient de l’amiante.

Ils décident alors d’assigner le diagnostiqueur et l’agent immobilier.

Par un arrêt en date du 28 septembre 2021, la Cour d’appel de Paris a ainsi condamné in solidum l’agent immobilier à hauteur de 15 % et le diagnostiqueur à hauteur de 85 %, à verser aux acquéreurs, une indemnisation d’un montant de 185.899 €.

En effet, la Cour d’appel de Paris a retenu que l’agent immobilier avait :

« Commis une faute en n’informant pas les acquéreurs de la présence très probable d’amiante dans le bien qu’elle avait pour mandat de vendre ».

Contestant cette décision, l’agent immobilier a introduit un pourvoi en cassation considérant que :

  • L’agent immobilier est en droit de se fier à un rapport technique établi par un professionnel compétent ;
  • Les acquéreurs ont eu connaissance de l’information selon laquelle la maison était de type « Mondial Pratic» lors de la conclusion de l’acte de vente, et ont tout de même manifesté leur intention d’acheter ;
  • Les conséquences d’un manquement au devoir d’information dû par un agent immobilier ne sauraient s’analyser qu’en une perte de chance de ne pas contacter ou de contracter à des conditions plus avantageuses.

Aux termes de sa décision, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et apporte quelques éclairages sur la responsabilité de l’agent immobilier.

  • L’obligation d’information due par l’agent immobilier 

Rappelons tout d’abord qu’il est de jurisprudence constante que l’agent immobilier, intermédiaire de la vente, est tenu d’une obligation de se renseigner pour informer ensuite ses clients et attirer leur attention sur l’état du bien et les risques de l’opération (Cass., Civ. 3ème, 8 avril 2014, n°09-72.747).

Cette obligation d’information et de conseil de l’agent immobilier porte notamment sur la consistance matérielle du bien et ne cède pas devant l’apparence des lieux (Cass., Civ. 3ème, 8 février 2018, n°15-28.524). 

Par cette décision du 16 mars 2023, la Cour de cassation vient rappeler que l’agent immobilier, en qualité de « professionnel de l’immobilier », est tenu d’une obligation d’information renforcée à l’égard d’acquéreurs.

En effet, en sa qualité de professionnel, il ne pouvait légitimement ignorer que le bien vendu était de type « Mondial Pratic », procédé de construction à base de plaques en fibrociment contenant nécessairement de l’amiante.

A cet égard, il aurait dû informer et mettre en garde les acquéreurs du risque élevé de présence d’amiante dans la maison compte-tenu du type de construction, et ce, en dépit des conclusions du diagnostic technique.

  • La transmission de l’information antérieurement à la vente :

Par cette décision, la Cour de cassation précise également les caractéristiques essentielles d’un bien immobilier, devant être portées à la connaissance des acquéreurs préalablement à la signature de la promesse de vente ; à savoir la date de la construction et les matériaux utilisés.

En effet, la Cour de cassation énonce que :

« Il incombait à l’agent immobilier de mentionner la date et le type de construction de la maison dans la promesse de vente, s’agissant des caractéristiques essentielles du bien vendu »

A défaut, l’agent immobilier commet une faute, susceptible d’engager sa responsabilité.

  • L’indemnisation due aux acquéreurs :

Enfin et s’agissant l’indemnisation due aux acquéreurs, la Cour de cassation va confirmer la Cour d’appel d’avoir retenu que :

« Le préjudice des acquéreurs résidait non dans une perte de chance mais dans le coût intégral des travaux nécessaires pour supprimer cet élément omis que les deux responsables devraient supporter à raison de leurs fautes respectives ».

La Cour va donc au-delà de la simple réparation de la perte de chance.

Elle va en effet jusqu’à condamner l’agent immobilier à réparer in solidum le coût total des travaux nécessaires au désamiantage du bien immobilier.

En conclusion, il apparait que l’agent immobilier, bien que n’étant pas à proprement parlé un « professionnel de la construction », est tenu d’une obligation d’information renforcée à l’égard des acquéreurs d’un bien immobilier concernant la présence d’amiante.

A ce titre, il doit délivrer, antérieurement à la vente, l’information relative au type de construction du bien vendu et ainsi alerter les acquéreurs profanes sur le risque de présence d’amiante lié aux matériaux de construction utilisés.

Cette décision novatrice dans son contenu, vient apporter des précisions sur le contour de la responsabilité des agents immobiliers s’agissant de leurs devoirs et obligations d’information.

(Cass. Civ. 3ème, 16 mars 2023, n°21-25082)

Marine RIVAL

Elève- Avocate

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