JURISPRUDENCE – Quid des honoraires de l’agent immobilier en cas d’offre au prix du mandat et de renonciation du vendeur ?

Le 1 septembre 2022

Le mandat de vente signé entre un propriétaire et un agent immobilier peut être un mandat d’entremise ou un mandat de représentation.

Dans le cas d’un mandat d’entremise, l’agent immobilier a pour mission de rechercher un acquéreur et de le présenter au propriétaire.

La mission de l’agent immobilier se limite donc à cette mise en relation.

Dans le cas d’un mandat de représentation, l’agent immobilier a le pouvoir d’engager le propriétaire et donc de signer un compromis de vente en son nom et pour son compte.

Dans un arrêt en date du 15 juin 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que sauf clause expresse, le mandat donné à un agent immobilier est un simple mandat d’entremise (Cass., Civ. 1ère, 15 juin 2022, n° 20-22.047)

En l’espèce, le 11 janvier 2016, la propriétaire d’un bien avait signé un mandat exclusif de vente avec une agence immobilière concernant la vente de son appartement.

Aux termes de ce mandat, il était précisé qu’elle s’engageait à signer, au prix, charges et conditions convenues, toute promesse de vente ou compromis éventuellement assorti d’une demande de prêt immobilier avec tout acquéreur présenté par l’agent immobilier, ladite obligation étant effective jusqu’au terme de l’engagement d’une durée de trois mois.

Le 8 février 2016, l’agent immobilier a informé la propriétaire qu’il avait trouvé un acquéreur au prix de vente stipulé dans le mandat.

A la suite d’une mise en demeure qui lui a été adressée, la propriétaire a finalement indiqué qu’elle ne souhaitait plus vendre l’appartement.

Le 8 avril 2016, l’agence immobilière a fait signifier à la propriétaire une sommation interpellative dont l’objet était de lui rappeler qu’en cas de refus de régulariser la vente, elle devrait régler à l’agence une indemnité égale au montant de la commission prévue en cas de conclusion de la vente.

En l’absence de réponse à cette sommation, l’agence immobilière l’a assigné pour obtenir le paiement de cette indemnité.

Par un arrêt en date du 17 septembre 2020, la Cour d’appel de Rouen a fait droit à la demande de l’agence immobilière en jugeant que la propriétaire avait refusé de signer la promesse de vente sans motif légitime, ce refus constituant un manquement aux obligations générales du mandat.

La propriétaire a formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Rouen en rappelant :

D’une part, qu’aux termes de l’article 6 de la loi n° 70-9, réglementant la profession d’agent immobilier, « aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif de commissions, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes visées par l’article 1er de la loi ou ne peut être exigé ou accepté par elles avant qu’une des opérations qui y sont visées ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties ».

D’autre part, que le mandat de vente ne permet pas à l’agent immobilier d’engager son mandant pour l’opération envisagée, à moins qu’une clause ne l’y autorise expressément.

Il en résulte qu’en l’absence d’une telle clause, le refus de la propriétaire de régulariser la vente avec une personne qui lui est présentée par l’agence immobilière n’est pas fautif et ne peut donc pas justifier l’allocation de dommages et intérêts.

S’agissant en outre du non-respect par le mandant de son obligation de signer un compromis de vente en cas de présentation d’une offre d’acquisition aux prix et conditions prévues au mandat, la Cour considère qu’elle ne peut justifier une condamnation à des dommages et intérêts car, en application des dispositions de la loi Hoguet, seule la conclusion effective de la vente peut justifier le règlement par le mandant de « valeur, somme d’argent, représentatif de commissions ».

Il s’agit par conséquent d’une obligation fantôme non contraignante pour le mandant qui reste libre de se rétracter.

On ne peut donc que conseiller aux agents immobiliers désireux de sécuriser leur droit à commission, de régulariser de véritables mandats de vente avec pouvoir de représentation, aux termes desquels ils pourront s’engager au nom et pour le compte de leurs mandants à régulariser la vente lorsqu’une offre est présentée aux prix et conditions du mandat.

Il est parfaitement possible de prévoir une clause expresse en ce sens lorsqu’un acquéreur fait une offre au prix du mandat et d’indiquer qu’à défaut, il s’agit d’un simple mandat d’entremise.

Joachim BERNIER

Avocat associé

Simon VENET

Avocat

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