JURISPRUDENCE – Le droit de préférence du locataire commercial ne s’applique pas à la vente de locaux à usage industriel

Le 11 juillet 2023

Par un arrêt en date du 29 juin 2023, la Cour de cassation s’est une nouvelle fois prononcée sur le régime de l’article L.145-46-1 du Code de commerce et plus spécialement sur l’inapplicabilité du droit de préférence du locataire commercial à la cession de locaux à usage industriel (Cass. Civ 3eme, 29 juin 2023, n°22-16.034).

Pour rappel, l’article L.145-46-1 du Code de commerce, issu de la Loi PINEL du 18 juin 2014, confère au preneur à bail commercial un droit de préemption en cas de vente du local par le bailleur.

Aux termes de la loi, ce droit de préemption ne concerne que les locaux « à usage commercial ou artisanal », si bien que les locaux industriels ainsi que les locaux à usage de bureaux semblent en être exclus.

Si le contentieux sur la question de l’applicabilité des dispositions de l’article L.145-46-1 du Code de commerce est abondant en matière de locaux à usage de bureaux (CA Paris, 1er décembre 2021, n°20/00194), tel n’est pas le cas en matière de locaux industriels.

Ainsi, dans un arrêt rendu le 29 juin 2023, la Cour de cassation est venue se prononcer sur cette question s’agissant d’une vente portant sur des locaux à usage industriel.

En l’espèce, les propriétaires indivis d’un ensemble immobilier notamment destiné à un usage de fabrication d’agglomérés, l’ont donné à bail à une société exploitant une activité de « pré-fabrication de tous éléments de construction à base de terre cuite plancher murs et autres » ainsi que de « fabrication de hourdis, blocs et pavés béton ».

L’ensemble immobilier fut vendu à un tiers, sans qu’aucune offre de vente ne soit préalablement notifiée à la société locataire.

Invoquant une atteinte au droit de préférence dont elle bénéficiait, cette dernière a assigné les bailleurs ainsi que l’acquéreur de l’ensemble immobilier, en annulation de la vente et en indemnisation de son préjudice.

La Cour d’appel d’Orléans a rejeté ses demandes, considérant que le droit de préférence du locataire commercial était inapplicable en l’espèce, en ce que l’activité exercée dans les locaux objet du bail possédait un caractère industriel.

Insatisfaite de la qualification retenue par la Cour d’appel à l’égard de son activité, la société locataire a formé un pourvoi en cassation.

Saisie de ce litige, la Cour de cassation a tout d’abord rappelé que les dispositions de l’article L.145-46-1 du Code de commerce ne s’appliquent pas à un local à usage industriel.

Afin de délimiter la portée de l’exclusion des locaux à usage industriel du champ d’application du droit de préférence, la haute juridiction a ensuite pris le soin de préciser la notion de local à usage industriel.

A cet égard, elle retient que :

« doit être considéré comme à usage industriel tout local principalement affecté à l’exercice d’une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant ».

Partant de cette définition, la Cour de cassation approuve le raisonnement de la Cour d’appel, considérant que le local donné à bail n’était pas à usage commercial ou artisanal au sens de l’article L.145-46-1 du Code de commerce et rejette le pourvoi.

L’apport de cet arrêt est non-négligeable en ce que la Cour de cassation est venue, pour la première fois, préciser les contours de la notion de local à usage industriel.

Une clarification semblait effectivement nécessaire puisque ni les dispositions de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, ni aucune autre disposition du Code de commerce ne permettaient de donner un sens certain à la notion de local à usage industriel.

Accessoirement, cette décision vient confirmer la définition jusqu’ici retenue en matière administrative par le Conseil d’Etat (CE, 28 février 2007, n°283441 ; CE, 13 juin 2016, n°380490 ; CE, 3 juillet 2015, n°369851).

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