JURISPRUDENCE – Le carrelage et les cloisons en placoplâtres, éléments dissociables, ne sont pas des éléments d’équipement soumis à la garantie décennale.

Le 14 novembre 2022

La Cour de cassation a rendu une nouvelle décision sur la notion d’élément d’équipement. Elle affirme que « les désordres affectant un élément d’équipement adjoint à l’existant et rendant l’ouvrage impropre à sa destination ne relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs que lorsqu’ils trouvent leur siège dans un élément d’équipement au sens de l’article 1792-3 du code civil, c’est-à-dire un élément destiné à fonctionner ».

Cass. civ.3ème, 13 juillet 2022, n° 19-20.231

Pour rappel, par un arrêt en date du 15 juin 2017, la Cour de cassation a étendu le champ d’application de garantie décennale aux désordres affectant les éléments d’équipement.

Ces éléments d’équipement sont définis, par la Cour de cassation, comme des éléments dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, qui relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

Cass. civ.3ème, 15 juin 2017, 16-19.640

L’objectif de cette jurisprudence était de protéger les maîtres d’ouvrage contre les désordres provenant d’un élément d’équipement susceptible de porter une atteinte grave à l’ouvrage dans son ensemble.

Cette construction prétorienne, dont les contours étaient imprécis, a donné lieu à de multiples décisions des juridictions du fond.

Elle a ainsi admis la responsabilité des constructeurs concernant l’installation de pompes à chaleur et d’inserts.

Au fil des années, la Cour de cassation est venue restreindre le champ d’application de cette nouvelle notion.

Par une décision du 13 février 2020, la Cour de cassation est venue préciser qu’un enduit de façade bien qu’assurant une fonction d’imperméabilisation ne constitue pas un élément d’équipement, « dès lors qu’il n’est pas destiné à fonctionner ».

Cass. civ.3ème, 13 février 2020, 19-10.24

La nouvelle décision rendue par la Cour de cassation le 12 juillet dernier s’inscrit dans le même esprit.

En l’espèce, les acquéreurs d’une maison ont assigné leurs vendeurs sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.

Les acquéreurs se plaignaient de remontées d’humidité affectant le carrelage et les cloisons de placoplâtres à la suite des travaux réalisés en 2006 par les vendeurs dans le cadre des travaux de rénovation.

La question est de savoir si des désordres affectant des cloisons en placoplâtre et du carrelage collé sur chappe peuvent engager la garantie décennale des vendeurs réputés constructeurs.

La Cour d’appel de Besançon a, par un arrêt en date du 30 avril 2019, condamné les vendeurs considérant que « si le carrelage collé sur une chape et les cloisons de plaques de plâtre sont des éléments dissociables de l’ouvrage, dès lors que leur dépose et leur remplacement peuvent être effectués sans détérioration de celui-ci, les désordres les affectant rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination »

La Cour de cassation a censuré cette analyse.

La Cour de cassation a en effet retenu que « les désordres affectant un élément d’équipement adjoint à l’existant et rendant l’ouvrage impropre à sa destination ne relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs que lorsqu’ils trouvent leur siège dans un élément d’équipement au sens de l’article 1792-3 du code civil, c’est-à-dire un élément destiné à fonctionner. Les désordres, quel que soit leur degré de gravité, affectant un élément non destiné à fonctionner, adjoint à l’existant, relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur ou réputé constructeur ».

Aux termes de cette décision, la Cour de cassation :

  • restreint la catégorie des équipements pouvant engager la garantie décennale des constructeurs aux seuls équipement ayant une aptitude à fonctionner (ce qui est le cas des inserts et des pompes à chaleur),
  • par opposition, les éléments inertes, (comme le carrelage et les cloisons en placoplâtre), sont soumis à la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur.

Les éléments d’équipement selon s’ils sont dotés d’une capacité à fonctionner ou inerte sont donc soumis à un régime de responsabilité différent.

Cette différence de traitement aura des incidences sur le régime de la preuve et en termes d’assurance obligatoire notamment.

Les éléments d’équipement inertes ne bénéficient pas de la présomption de responsabilité des constructeurs, les maîtres d’ouvrage devront donc prouver un manquement du poseur de l’équipement pour engager sa responsabilité.  

Joachim BERNIER

Avocat associé

Manon PHILIPPONNEAU

Avocat

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