JURISPRUDENCE – GARANTIE DECENNALE : Qui du constructeur ou du maître d’ouvrage doit prouver le caractère apparent ou non d’une non-conformité n’ayant pas fait l’objet de réserve lors de la réception ?

Le 5 avril 2022

Dans une nouvelle décision rendue par la 3ème chambre civile, la Cour de cassation rappelle que le maître d’ouvrage supporte la charge de la preuve du caractère apparent ou non d’une non-conformité n’ayant pas fait l’objet d’une réserve lors de la réception d’un ouvrage (Cass, Civ.2 mars 2022 n°21-10.753).

En l’espèce, un maître d’ouvrage a confié à une entreprise, la construction d’un bâtiment à usage industriel. La propriété de l’immeuble a été transférée à une SCI puis donnée à bail. Le nouveau propriétaire et le locataire ont assigné le constructeur, aux fins d’indemnisation de leurs préjudices résultant d’une non-conformité.

En effet, l’entreprise aurait mis en œuvre une terrasse en pin au lieu du bois exotique prévu dans la notice contractuelle.

En appel, le constructeur a soutenu que « cette modification était visible à la réception et n’a pas été dénoncée, et que le maître de l’ouvrage a validé ce choix en obtenant l’agrandissement de la terrasse en béton sans supplément de prix. »

La Cour d’Appel de Pau, dans un arrêt rendu le 24 novembre 2020, a confirmé le jugement rendu, sur ce point, par le Tribunal de Grande Instance de Tarbes et a condamné le constructeur considérant que « le constructeur ne rapporte cependant pas la preuve du caractère apparent, pour un maître de l’ouvrage profane, de la non-conformité contractuelle au jour de la réception. Et en l’absence d’avenant constatant l’accord des parties pour une modification des prestations convenues, accord contesté par M. Aa A, la SCI 2M est en droit de demander l’exécution des prestations prévues par le contrat, régi par les dispositions des articles L 231-1 et suivants du code de la construction auquel les parties ont convenu de se soumettre. »

Le constructeur a formé un pourvoi en cassation.

Aux termes de son pourvoi, le constructeur a soutenu que « la réception des travaux couvre tout vice ou défaut de conformité apparent qui n’a pas fait l’objet de réserves ; qu’en l’état d’une réception intervenue sans réserve, il appartient donc au maître d’ouvrage de rapporter la preuve de ce que le défaut de conformité qu’il allègue n’était pas apparent le jour de la réception intervenue sans réserve

La Cour de cassation a fait droit à cette argumentation.

Elle rappelle qu’il incombe au maître de l’ouvrage ou à l’acquéreur de l’ouvrage qui agit sur le fondement de l’article 1792 du Code civil de rapporter la preuve que les conditions d’application de ce texte sont réunies et qu’ainsi il lui incombait, alors qu’il réclamait l’indemnisation d’une non-conformité n’ayant pas fait l’objet d’une réserve lors de la réception, de prouver qu’elle n’était pas apparente à cette date pour le maître d’ouvrage.

En affirmant le contraire, la Cour d’appel de Pau avait, en effet, inversé la charge de la preuve.

Ainsi, la présomption de responsabilité découlant de l’article 1792 du Code civil, ne dispense pas le maître d’ouvrage qui s’en prévaut, de prouver les conditions d’application du texte et notamment de prouver que les travaux constituent un ouvrage, le lien entre le désordre et les travaux réalisés par le constructeur, le caractère caché et décennal du désordre.

Manon PHILIPPONNEAU

Avocat

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