JURISPRUDENCE – Copropriété – La responsabilité du syndicat des copropriétaires vis-à-vis des copropriétaires : une responsabilité à tout prix ?

Le 25 novembre 2024

Par un arrêt en date du 26 septembre 2024, la Cour de cassation vient réaffirmer le principe selon lequel le syndicat des copropriétaires est responsable tant des désordres affectant les parties communes, que du retard dans la réalisation des travaux d’un copropriétaire, justifiant ainsi que lui soit octroyée une indemnisation au titre de la perte des loyers. (Cass., Civ. 3ème, 26 septembre 2024, n°23-15.424)

En l’espèce, courant 2010, le propriétaire d’un local commercial situé au sein d’un ensemble immobilier soumis au statut juridique de la copropriété a décidé d’entreprendre des travaux de réhabilitation des deux lots composant son local afin de le mettre en location.

Les travaux, impliquant notamment la suppression d’un édicule situé sur la toiture du local, ont fait l’objet d’une autorisation lors d’une assemblée générale des copropriétaires.

Lors de ces travaux, divers désordres ont néanmoins été découverts :

  • Défaut structurel affectant le plancher ;
  • Rupture d’une canalisation.

Ces désordres portant sur des parties communes, une assemblée générale des copropriétaires s’est finalement tenue fin 2012 afin d’y remédier.

Le copropriétaire n’a alors pu remettre en location son local qu’à compter du 23 avril 2013 soit plus d’un an après la date initiale.

Dans ce contexte, le copropriétaire a décidé d’assigner le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier ainsi que le syndic en indemnisation du préjudice de jouissance subi au titre du retard dans la mise en location de son local consécutive aux désordres affectant les parties communes et le manque de diligence du syndic.

Par un arrêt en date du 8 mars 2023, la Cour d’appel de Paris a considéré que le syndic était responsable in solidum avec le syndicat des copropriétaires :

« Dès lors comme l’a dit le tribunal, l’intervention de l’architecte de l’immeuble le 15 juin 2011, tandis que la dégradation des parties communes a été signalée au syndic le 21 avril 2011, est manifestement tardive d’autant que la société Valoril (le copropriétaire) indiquait les travaux de rénovation en cours et la nécessité d’une certaine diligence dans les travaux sur les parties communes, préalables aux travaux privatifs, le syndicat engageant sa responsabilité au titre des parties communes s’il ne procède pas à ces travaux de réparation ou dans un délai raisonnable, notamment en entravant la liberté des copropriétaires de disposer de leurs biens en raison de l’état des parties communes, conformément à l’article 9 d’ordre public de la loi du 10 juillet 1965 […]

 Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et la société Gideco (le syndic) à indemniser la société Valoril du préjudice découlant de ce retard ; »

Contestant le quantum des montants auxquels ont été condamnés le syndicat des copropriétaires et le syndic, le copropriétaire a de ce fait, introduit un pourvoi en cassation, considérant qu’eu égard à la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires au titre des désordres affectant les parties communes, la victime a droit à la réparation de son entier dommage.

Aux termes de sa décision, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le copropriétaire.

Cet arrêt appelle ainsi plusieurs remarques.

  • Sur la responsabilité de plein-droit du syndicat des copropriétaires à l’égard d’un copropriétaire au titre des dommages causés aux parties communes :

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle tout d’abord un principe majeur en droit de la copropriété en vertu duquel le syndicat des copropriétaires est responsable de plein droit sur le fondement de l’article 14 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 pour les désordres affectant les parties communes.

Rappelons effectivement que l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dernier alinéa prévoit que :

« Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. »

Au-delà du rappel de ce principe, la décision ici commentée est intéressante en ce qu’elle précise le champ d’application de la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires au titre de l’article 14 précité.

La Cour de cassation admet effectivement qu’un syndicat des copropriétaires puisse être condamné à réparer le préjudice de jouissance subi par le copropriétaire tiré de la perte de revenus locatifs résultant des désordres affectant les parties communes.

  • Sur la responsabilité de plein-droit du syndicat des copropriétaires à l’égard d’un copropriétaire au titre du manque de diligences du syndic :

Dans cette affaire, il est reproché au syndic de l’ensemble immobilier d’avoir tardé à convoquer des assemblées générales pour :

  • Faire voter les travaux sollicités par le copropriétaire ;
  • Prendre les mesures urgentes qui s’imposaient afin de remédier aux désordres.

Pourtant, bien que le manque de diligences incombe au syndic, la Cour de cassation retient in fine la responsabilité du syndicat des copropriétaires.

La responsabilité de plein-droit du syndicat des copropriétaires en cas de manquement de diligences du syndic dans l’exercice de ses missions n’est pas nouvelle en jurisprudence et est régulièrement réaffirmée (Cass., Civ. 3ème, 15 février 2006, n°05-11.263 ; Cass., Civ. 3ème, 2 octobre 2012, n°11-24.200 ; Cass., Civ. 3ème, 11 février 2016, n°14-29.345 ; Cass., Civ. 3ème, 16 novembre 2023, n°22-21.144).

Cette solution est justifiée par le fait que le syndic est mandaté par le syndicat des copropriétaires, de sorte que ce dernier reste responsable, à l’égard des tiers, des actes commis par le syndic dans l’exercice de ses missions.

  • Sur la nature de la réparation du préjudice causé au copropriétaire :

Par cette décision, la Cour de cassation considère que le copropriétaire est fondé à obtenir l’indemnisation du préjudice de jouissance tiré de la perte de revenus locatifs trouvant sa source dans les désordres affectant les parties communes (cf. supra).

En revanche, la Cour de cassation confirme la Cour d’appel en ce qu’elle a refusé d’octroyer au copropriétaire une indemnisation au titre des travaux privatifs qu’il avait entrepris :

« Elle (la cour d’appel) a enfin, à bon droit, écarté les demandes de la copropriétaire, qui avait entrepris des travaux de grande ampleur dans son local en transformant une boulangerie avec un fournil en un local brut de béton, visant à être indemnisée pour le temps de réalisation de ses propres travaux et de recherche d’un locataire »

La justification tient au fait qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la faute imputée au syndic et la durée d’exécution des travaux privatifs de grande ampleur entrepris par le copropriétaire.

En conclusion, cette décision est l’occasion, pour la Cour de cassation, de réaffirmer les contours de la responsabilité du syndicat des copropriétaires, tant au regard des désordres affectant les parties communes que des manquements du syndic dans le cadre de l’exécution de ses missions.

Néanmoins, cette décision est intéressante en ce qu’elle précise que le syndicat des copropriétaires n’a pas vocation à venir indemniser le temps nécessaire aux travaux privatifs entrepris par un copropriétaire dans ses parties privatives.

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