
JURISPRUDENCE – Baux commerciaux – L’obligation pour le bailleur de souscrire une assurance PNO peut constituer un motif de déplafonnement
Le 5 février 2025
Cass. Civ. 3ème, 23 janvier 2025, n° 23-14.887
On sait qu’en application de l’article L 145-34 du Code de commerce, le loyer du bail renouvelé ne peut pas, pour un bail de 9 années, excéder le montant du loyer du bail initial affecté du taux de variation de l’indice ILC ou de l’ILAT.
Pour échapper à ce plafonnement, le bailleur doit pouvoir justifier d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1°à 4° de l’article L 145-33 du Code de commerce.
Parmi ces éléments, il est notamment prévu que la modification notable des « obligations respectives des parties » peut constituer un motif de déplafonnement (article L 145-33 3° et article L 145-34 du Code de commerce).
Dans la partie réglementaire des dispositions applicables à la détermination du montant du loyer du bail renouvelé, il est en outre prévu à l’article R 145-8 du Code de commerce :
« Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l’une ou l’autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé. »
La jurisprudence a déjà eu l’occasion de considérer que lorsque la charge de la taxe foncière, par nature imputable au bailleur, n’était pas transférée au preneur, une évolution notable du montant de cette taxe était de nature à justifier le déplafonnement du loyer du bail renouvelé (Voir en ce sens Cass. Civ. 3ème, 7 février 2007, n° 06-10.317).
L’apport de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 janvier dernier est de prendre en compte l’obligation pour le bailleur copropriétaire de souscrire une assurance en qualité de propriétaire non occupant d’un immeuble soumis au régime de la copropriété, comme étant une charge légale nouvelle de nature à modifier les obligations respectives des parties.
En l’espèce, le bailleur faisait état de cette obligation nouvelle lui incombant en application de l’article 58 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 figurant depuis à l’article 9-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.
En réponse, le preneur estimait qu’il n’y avait pas lieu de prendre en compte cette charge nouvelle imposée au bailleur par la loi dès lors qu’avant que cette assurance devienne obligatoire, le bailleur avait déjà fait le choix de la souscrire volontairement, de sorte que cette prise en charge ne résultait pas d’une obligation nouvelle mais du simple rapport contractuel entre le bailleur et son assureur.
Ce raisonnement n’a pas été suivi par la Cour de cassation qui a considéré qu’il s’agissait bien d’une charge légale nouvelle, peu important que cette assurance ait été souscrite volontairement auparavant. Elle a par ailleurs retenu que l’augmentation des charges supportées par le bailleur avaient abouti à une baisse de revenu locatif de 27,97 % de sorte que cela constituait une modification notable des obligations des parties justifiant la fixation du loyer du bail renouvelé selon les règles du plafonnement.
On peut néanmoins s’interroger sur la pertinence du raisonnement tenu par la Cour de cassation.
En effet, si l’obligation de souscrire une assurance constituait une charge nouvelle imposée par la loi, dans les rapports entre le bailleur et le preneur, il ne s’agissant pas d’une obligation nouvelle dès lors que cette assurance était déjà souscrite par le bailleur qui n’en avait pas transféré le coût au preneur.
Autrement dit, dans l’équilibre juridique des obligations respectives des parties, il n’y a pas eu de modification, peu important qu’il soit devenu obligatoire de souscrire cette assurance.
De la même façon, s’agissant de l’équilibre économique, il n’est pas inutile de rappeler que l’article R 145-8 alinéa 3 du Code de commerce dispose que pour la fixation du loyer du bail renouvelé « il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé ».
Or, en l’espèce dès lors que l’assurance PNO était souscrite avant la loi, il s’agissait d’ores et déjà d’une charge intégrée par le bailleur dans la détermination de son revenu locatif.
Bien évidemment, cela n’empêchait pas, comme c’est le cas s’agissant de la taxe foncière, de prendre en compte l’évolution éventuelle du coût des cotisations, sans pour autant pouvoir réintégrer l’intégralité de ce coût comme étant une charge nouvelle.
Références
- Articles L 145-34 du Code de commerce
- Article L 145-33 du Code de commerce
- Article R 145-8 du Code de commerce
- Article 9-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965
- Civ. 3ème, 7 février 2007, n° 06-10.317

Avocat associé
MRICS