
JURISPRUDENCE – Baux commerciaux – De l’exigence d’une annexe comportant un inventaire précis et limitatif des charges
Le 10 juillet 2024
Aux termes d’un arrêt en date du 7 mars 2024, la Cour d’appel de Versailles a jugé qu’en l’absence d’annexe établissant un inventaire des catégories de charges, impôts, taxes et redevances récupérables par le bailleur auprès du preneur, le bail ne satisfaisait pas aux dispositions de l’article L.145-40-2 du Code de commerce, quand bien même une clause viendrait prévoir le remboursement de certaines charges par le preneur (CA Versailles, 7 mars 2024, n°22/05759).
Pour rappel, l’article L.145-40-2 du Code de commerce prévoit que :
« Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire ».
Cette disposition est d’ordre public. Par conséquent, toute clause d’un contrat ayant pour effet d’y faire échec est réputée non-écrite (article L.145-15 du Code de commerce).
Il résulte de ce qui précède que le bailleur ne peut procéder à la refacturation auprès de son locataire, de charges non expressément mentionnées au sein de l’inventaire susvisé, puisque ce dernier possède un caractère limitatif.
En l’absence de précision quant à la forme que doit revêtir l’inventaire visé à l’article L.145-40-2 du Code de commerce, la question s’est toutefois posée de savoir si ce dernier devait obligatoirement faire l’objet d’une annexe spécifique ou bien s’il pouvait résulter des stipulations du bail.
Dans un arrêt du 7 mars 2024, la Cour d’appel de Versailles est venue préciser que la clause du bail prévoyant le remboursement de certaines charges par le preneur était réputée non-écrite, dès lors que le bail ne comportait pas, au sein de ses annexes, un inventaire régulier tel qu’exigé par l’article L.145-40-2 du Code de commerce.
Par conséquent, les juges du fond ont estimé qu’aucune somme ne pouvait être sollicitée par le bailleur au titre des charges locatives.
En l’espèce, l’article 17 du bail conclu entre les parties intitulé « impôts et taxes » énonçait que le preneur :
« devra rembourser chaque année au bailleur, à l’époque fixée par l’administration, les taxes d’enlèvement des ordures ménagères, déversement au tout à l’égout, ou toute autre taxe pouvant s’adjoindre à celles-ci dessus indiquées.
Le preneur devra acquitter les contributions personnelles mobilières, taxes professionnelles et généralement tous impôts, contributions et taxes auxquelles il est et sera assujetti personnellement. Il remboursera au bailleur le montant de la taxe foncière »
Le bailleur considérait que les stipulations du bail établissaient de manière suffisamment précise la liste des charges et impôts pouvant être refacturés au preneur.
Néanmoins, selon la Cour d’appel de Versailles, une telle clause ne suffit pas à satisfaire aux exigences de l’article L.145-40-2 du Code de commerce.
A première vue, adjoindre au bail une annexe spécifique formant l’inventaire prévu par les dispositions de l’article susvisé semble donc constituer, pour cette Cour, la seule façon de pouvoir imputer des charges au locataire, de manière valable, sans risque que leur refacturation soit par la suite contestée.
En cela, le bailleur ayant procédé à la refacturation de charges uniquement visées au sein d’un article du bail mais ne faisant pas l’objet d’une annexe distincte, pourrait être condamné à restituer les sommes indûment perçues.
Il nous semble qu’une telle interprétation de l’article L.145-40-2 du Code de commerce est particulièrement stricte et pourrait faire l’objet d’un pourvoi en cassation, dans la mesure où aucune exigence de forme quant à l’inventaire des charges n’est fixée par le Code de commerce.
Néanmoins, en l’espèce, il apparait que les stipulations du bail ne sont effectivement pas suffisamment exhaustives et détaillées s’agissant des charges, impôts, taxes et redevances récupérables par le bailleur, afin de satisfaire aux exigences de l’article L.145-40-2 du Code de commerce.
Par conséquent, la portée de la décision rendue par la Cour d’appel de Versailles est à relativiser en ce qu’elle semble surtout venir sanctionner le défaut de précision du bail plutôt que le défaut d’établissement d’une annexe spécifique. Connaissance prise d’une telle décision, il convient toutefois pour les bailleurs d’être particulièrement vigilants lors de la conclusion d’un bail commercial afin de veiller :
- d’une part, à annexer au bail l’inventaire prévu par les disposition de l’article L.145-40-2 du Code de commerce ; et
- d’autre part, à ce que l’inventaire susvisé mentionne bien l’ensemble des charges que le bailleur souhaite pouvoir refacturer, sous peine que ces dernières ne soient pas exigibles.
La même vigilance doit être de mise lors d’une cession de fonds de commerce ou d’une cession de droit au bail.
En pareil cas, il est recommandé de faire auditer le bail commercial afin de vérifier qu’il comporte bien l’ensemble des annexes obligatoires et afin de s’assurer de la conformité de ses clauses eu égard aux dispositions du Code de commerce résultant de la loi Pinel.

Associé Avocat