GARANTIE DECENNALE : TOUS LES TRAVAUX DE CONSTRUCTION NE SONT PAS DES OUVRAGES

Le 6 décembre 2021

Cass. Civ. 3ème, 10 novembre 2021, n° 20-20.294

Dans une nouvelle décision rendue par la 3ème chambre civile, la Cour de cassation rappelle que la garantie décennale des constructeurs ne peut être engagée que si les travaux réalisés peuvent être qualifiés d’ouvrage(https://www.courdecassation.fr/decision/618b6ee8e256c86ccc1b5092).

En l’espèce, dans le cadre de la construction de deux maisons individuelles, le propriétaire d’un terrain a confié des travaux de terrassement à une entreprise.

Lors de ces travaux réalisés en janvier 2007, un glissement de terrain est survenu affectant le terrain du propriétaire voisin.

Après des opérations d’expertise judiciaire, le maître d’ouvrage a assigné, sur le fondement de la garantie décennale, l’entreprise de terrassement.

La Cour d’appel de VERSAILLES, par un arrêt en date du 13 juillet 2020, a débouté le propriétaire de sa demande considérant ses demandes prescrites au regard de la prescription quinquennale et en retenant les conditions de mise en œuvre de la garantie décennale n’étaient pas remplies.

En effet, la Cour d’appel a jugé que les travaux de terrassement ne constituaient pas un ouvrage car aucun matériau n’avait été incorporé au sol au moyen de travaux de construction :

« Il ressort ainsi du devis que les travaux confiés à M. A étaient des travaux de simple terrassement et aménagement du terrain, ce qui est confirmé par le rapport d’expertise qui ne parle que de terrassement en évoquant les travaux de M. A.

 Les travaux de viabilisation qui étaient de nature à entraîner la garantie décennale, n’ont finalement pas été confiés à M. A et ils ont été réalisés par la société SCMB.

C’est sans fondement et sans motiver autrement que M. Ac affirme, de façon péremptoire, qu’il est acquis que l’exécutant du lot terrassement d’une opération de construction est nécessairement qualifié de constructeur au sens des articles 1792 et suivants du code civil.

 C’est au contraire à bon droit que les premiers juges ont rappelé, au visa d’un arrêt de la Cour de cassation du 12 juin 2002, que les terrassements ne peuvent être constitutifs d’un ouvrage que s’ils incorporent des matériaux dans le sol au moyen de travaux de construction.

 M. A ne démontre pas en quoi les travaux qu’il a réalisés répondent à ces critères, étant rappelé que les travaux de viabilisation du terrain ont finalement été réalisés par une autre entreprise.

 Il ne démontre pas non plus que l’ampleur des travaux réalisés permettrait de retenir la qualification d’ouvrage, alors que tel était manifestement le critère retenu dans les arrêts de la Cour de cassation cités par M. Ac pour contredire l’arrêt du 12 juin 2002.

 C’est toujours en vain que M. Ac souligne que M. A avait connaissance du projet de construction, cette connaissance n’étant pas de nature à modifier la qualification des travaux.

 Enfin, il ne démontre pas non plus que les travaux litigieux se seraient intégrés dans un ouvrage de construction, permettant en raison de leur intégration, de les qualifier d’ouvrage. En tout état de cause, le glissement de terrain s’est produit avant l’élévation de l’immeuble, de telle sorte qu’aucune intégration ne peut être utilement alléguée. »

 La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles.

Elle rappelle que l’entrepreneur qui a réalisé « des travaux de terrassement et d’aménagement du terrain, qui n’incorporent pas de matériaux dans le sol au moyen de travaux de construction et que les dommages se sont produits avant la réalisation de tout ouvrage, retient à bon droit que les travaux réalisés ne rentrent pas dans les prévisions de l’article 1792 du code civil »

L’arrêt rendu par la Cour de VERSAILLES a des vertus pédagogiques. Dans cette décision, le juges du fond ont pris soin de vérifier si les travaux de terrassement réalisés constituent un ouvrage conformément aux 3 critères développés par la jurisprudence.

Il faut rappeler que la notion d’ouvrage n’est pas définie par le Code civil.

La Cour de cassation a développé 3 critères pour qualifier un ouvrage :

  • l’ampleur technique des travaux,
  • l’apport de matériaux nouveaux,
  • l’emprunt d’éléments à la construction existante.

Par cette décision, la Cour de cassation en suite de la Cour de Versailles refuse d’intégrer un critère supplémentaire : la connaissance par l’entreprise du projet de construction envisagé.

Ainsi, même si les travaux de terrassement constituent une première phase de l’opération de construction envisagée, ils ne constituent pas, en tant que tels, un ouvrage car ils ne répondent pas aux critères précités. Ils ne sont donc pas soumis aux dispositions relatives à la garantie décennale.

Manon PHILIPPONNEAU

Avocat 

CLARENCE AVOCATS

Partager l'article