La loi PACTE, le bail commercial et la clause de solidarité cessionnaire-cédant

Le 24 juin 2019

La loi PACTE, le bail commercial et la clause de solidarité cessionnaire-cédant

La loi pour la croissance et la transformation des entreprises (dite loi PACTE), définitivement adoptée par le Parlement le 11 avril dernier a été promulguée le 24 mai dernier après validation du Conseil constitutionnel.

Parmi les évolutions à noter, on remarquera, pour ce qui concerne le droit des baux commerciaux, la modification de l’article L 642-7 du Code de commerce portant sur la cession de l’entreprise en liquidation judiciaire.

On sait que, très régulièrement, figure dans les baux, à la rubrique relative à la cession du bail, une clause de garantie solidaire à la charge du cédant dont la portée est limitée depuis la loi PINEL du 18 juin 2014 aux trois années suivant la cession du bail (article L 145-16-2 du Code de commerce).

Dans l’hypothèse d’une liquidation judiciaire du cédant, il était difficilement envisageable de maintenir son efficacité à une telle clause, sauf à rendre, de facto, impossible toute cession du bail par le liquidateur, dès lors que le passif du débiteur en liquidation aurait pu se trouver aggravé, du fait de la cession du bail, par des dettes futures résultant de cet engagement.

C’est dans ces conditions qu’après avoir énoncé que « le liquidateur peut céder le bail dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s’y rattachent », le législateur a précisé à l’alinéa 5 de l’article L 641-12 du code de commerce que « toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire est réputée non écrite ».

Cependant, si cette clause de garantie solidaire du cédant à l’égard du cessionnaire est réputée non écrite dans l’hypothèse de la cession du bail par le liquidateur judiciaire, il reste que rien ne permettait de neutraliser la clause dite de « solidarité inversée » aux termes de laquelle, à l’occasion de la cession, le cessionnaire s’engage à garantir le cédant de son passif à l’égard du bailleur.

Dans un arrêt en date du 27 septembre 2011, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que cette clause de garantie du cessionnaire devait recevoir application dans le cadre d’une cession du bail car l’article L 641-12 du code de commerce ne répute non écrite que la clause de garantie solidaire du cédant.

La Cour d’appel de VERSAILLES a, quant à elle, jugé que cette clause avait également vocation à s’appliquer dans le cadre plus général d’un plan de cession de l’entreprise. La Cour avait alors considéré que cette clause ne constituait pas une clause restrictive de cession en ce qu’elle ne créait pas d’obstacle juridique à la cession et ne donnait aucune possibilité au bailleur de s’y opposer (Cour d’appel de VERSAILLES, 12 mars 2015, n° 14/02599).

Cette position a été critiquée sachant que si, juridiquement, cette clause n’interdit pas la cession, il est bien évident qu’économiquement, tel n’est pas le cas. En effet, le candidat cessionnaire, tenu de régler le passif locatif du cédant en liquidation judiciaire, ne manquerait pas, au mieux, de recalibrer son offre en tenant compte de ce passif, au pire, de renoncer à formuler une quelconque offre (Voir, à ce titre, l’excellente étude de F. KENDERIAN – La cession du bail dans le cadre d’un plan de cession et hors plan de cession – AJDI – Avril 2018, p. 259).

En définitive, ces critiques ont été prises en compte par le législateur qui met fin à cette situation qui créait un frein à la cession de l’entreprise qui constitue un objectif d’ordre public.

La loi PACTE a donc complété le troisième alinéa de l’article L. 642-7 du code de commerce en précisant que, dans le cadre d’un plan de cession, « par dérogation, toute clause imposant au cessionnaire d’un bail des dispositions solidaires avec le cédant est réputée non écrite ».

Précisons que cette nouvelle disposition n’est applicable qu’aux procédures ouvertes après la publication de la loi.

Cette clause de solidarité inversée ne va pas, pour autant disparaître des baux.

En effet, si l’article L 642-7 du code de commerce a été complétée, tel n’est pas le cas de l’article L 641-12.

Dans ces conditions, dans le cas d’une cession isolée du droit au bail, la clause de garantie du cessionnaire doit continuer à s’appliquer.

On imagine que le contentieux qui existe déjà sur la véritable nature des cessions réalisées dans le cadre d’une liquidation judiciaire qui peuvent parfois être considérées comme des cessions déguisées d’un simple droit au bail, risque de se développer.

En bref :

La loi PACTE complète l’article L 642-7 du Code de commerce et répute non écrite, dans l’hypothèse d’une cession de l’entreprise en liquidation judiciaire, toute clause imposant au cessionnaire d’un bail des dispositions solidaires avec le cédant.

La clause de solidarité cédant/cessionnaire et la clause dite de solidarité inversée cessionnaire/cédant se trouvent neutralisées dans le cadre d’un plan de cession.

La clause de garantie du cessionnaire à l’égard du cédant reste valable en cas de simple cession du droit au bail.

Références :

  • Article L 641-12 du Code de commerce
  • Article L 642-7 du Code de commerce
  • Com, 27 septembre 2011, n° 10.23539
  • Cour d’appel VERSAILLES, 12 mars 2015, n° 14/02599

Joachim Bernier
Avocat associé MRICS

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