BAIL DEROGATOIRE : la renonciation du preneur au statut ne permet pas de faire courir un nouveau délai de trois ans

Le 2 novembre 2020

Cass. Civ. 3ème, 22 octobre 2020, FS-P+B + I, n°19-20.443

 

Dans un arrêt rendu le 22 octobre 2020, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation précise que les parties ne peuvent pas conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux à l’expiration d’une durée totale de trois ans qui court dès la prise d’effet du premier bail dérogatoire, même si le preneur a renoncé, à l’issue de chaque bail dérogatoire, à l’application du statut des baux commerciaux.

Dans cette affaire, un bailleur avait consenti à un locataire, qui occupait déjà les lieux et qui avait renoncé à se prévaloir du droit au statut des baux commerciaux lui étant acquis à l’expiration d’un précédent bail dérogatoire, un bail pour une durée de vingt-quatre mois. Le 1er juin 2015, les parties avaient conclu un nouveau bail dérogatoire courant jusqu’au 31 mai 2016.

Deux mois avant l’expiration du bail dérogatoire, le bailleur avait informé le preneur de sa volonté de ne pas consentir un nouveau bail.

Le preneur a alors revendiqué le droit au statut des baux commerciaux, et le bailleur l’a assigné en expulsion. Il a été fait droit à sa demande, la Cour d’appel ayant retenu que le preneur n’avait pas acquis la propriété commerciale dès lors que les parties avaient conclu un bail dérogatoire le 1er juin 2013, d’une durée de 24 mois, puis un nouveau bail dérogatoire le 1er juin 2015, d’une durée de 12 mois, de sorte que la durée globale des baux successifs n’excédait pas la durée maximale de trois ans.

Cet arrêt d’appel a été censuré par la Cour de cassation qui a relevé que le preneur justifiait d’une entrée dans les lieux antérieure au 1er juin 2013, ce dont il résultait que le preneur avait acquis la propriété commerciale à la date du 1er juin 2016.

Au visa de l’article L 145-5 du Code de commerce, la troisième chambre de la Cour rappelle que les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux à l’expiration d’une durée de trois ans que ne peuvent excéder les baux dérogatoires successifs.

Elle précise que pour pouvoir déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux, le bail conclu le 1er juin 2015, postérieurement à l’entrée en vigueur du nouvel article L. 145-5 du code de commerce issu de la loi du 18 juin 2014, devait répondre aux exigences de ce texte et, par suite, ne pas avoir une durée cumulée avec celle des baux dérogatoires conclus précédemment pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux de plus de trois ans courant à compter de la date d’effet du premier bail dérogatoire.

Dans ce cadre, une éventuelle renonciation du preneur à revendiquer le statut des baux commerciaux à l’expiration d’un précédent bail dérogatoire ne permet pas de constituer le point de départ d’une nouvelle durée de trois ans.

Les bailleurs et les preneurs doivent par conséquent avoir à l’esprit que pour rester dans le schéma du bail dérogatoire et échapper au statut des baux commerciaux, il faut enfermer l’occupation effective des locaux dans une durée de trois années et que les aménagements conventionnels ou renonciations sont inefficaces.

Il est par conséquent impératif de surveiller son calendrier et de soigner la clause relative à la durée dans le bail dérogatoire (voir à ce titre Cass. Civ. 3ème, 8 juin 2017,n° 16-24.405 et notre commentaire : https://www.lettredelimmobilier.com/P-2011-453-A1-attention-a-la-fixation-de-la-duree-contractuelle-dans-le-bail-derogatoire.html).

 

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