JURISPRUDENCE – Copropriété – La location meublée saisonnière incompatible avec l’habitation bourgeoise

Le 26 septembre 2023

Aux termes d’un arrêt en date du 23 mai 2023, la Cour d’appel de Grenoble a rappelé que la location meublée de tourisme est incompatible avec la clause d’habitation bourgeoise contenue dans le règlement de copropriété (CA Grenoble, 23 mai 2023, n°21/03445).

Pour rappel, la clause d’habitation bourgeoise impose aux copropriétaires ou à leurs locataires, d’utiliser leurs lots uniquement à des fins d’habitation, à l’exclusion de toute activité commerciale, artisanale ou industrielle.

De leur côté, les locations meublées de tourisme sont définies par l’article D.324-1 du Code de commerce comme étant « des villas, appartements, ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts en location à une clientèle de passage qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois, et qui n’y élit pas domicile ».

En l’espèce, les propriétaires d’un appartement situé au sein d’un ensemble immobilier soumis au régime juridique de la copropriété avaient mis leur logement à disposition de clients dans le cadre de contrats de location de courte durée type Airbnb.

D’autres copropriétaires de l’immeuble les ont assigné en violation des obligations résultant du règlement de copropriété ainsi qu’en réparation de leur préjudice de jouissance.

Leur demande a été accueillie par le tribunal judiciaire de Gap, lequel a considéré que la mise à disposition de l’appartement à des tiers, pour des périodes de quelques jours seulement, se heurtait aux dispositions du règlement de copropriété.

Les défendeurs ont interjeté appel de ce jugement.

Devant la Cour d’appel de Grenoble, ces derniers font valoir qu’aux termes de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire use et jouit librement de ses parties privatives sous la condition de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires et à la destination de l’immeuble.

Ils indiquent qu’en l’espèce, la location de type Airbnb n’est pas interdite par le règlement de copropriété, que ce soit expressément ou implicitement, et qu’il n’est pas caractérisé une quelconque nuisance ou trouble occasionné par les locations consenties.

Dans un arrêt en date du 23 mai 2023, la Cour d’appel de Grenoble a confirmé le raisonnement retenu par les juges du fond et a condamné les défendeurs à verser aux demandeurs la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

A ce titre, elle retient qu’aux termes du règlement de copropriété, seul l’exercice de professions libérales est toléré.

Elle relève qu’en l’espèce, le logement litigieux a fait l’objet d’une déclaration en mairie en qualité de meublé de tourisme en application de l’article L.324-4-1 du code de tourisme et que la déclaration a été établie par une personne agissant en qualité de professionnel.

La Cour d’appel constate que cette notion de professionnel est attestée par les annonces proposées par le défendeur, lequel figure en qualité de gérant immobilier/professionnel sur l’annonce Abritel et indique disposer d’autres adresses.

La Cour d’appel énonce que le terme de professionnel sous-entend nécessairement que cette activité est exercée de manière régulière à but lucratif et qu’à ce titre la location de l’appartement constitue une activité commerciale.

Par ailleurs, s’agissant de l’incompatibilité de la mise en location saisonnière avec la clause d’occupation bourgeoise visée dans le règlement de copropriété, les juges retiennent que :

« la multiplicité et la rotation élevée des occupants contrevient à l’exigence de stabilité et de quiétude propre à l’occupation bourgeoise de l’immeuble fixée par le règlement de copropriété, étant en outre observé que les passages des différents locataires conduisent à avoir des parties communes très sales, ainsi qu’une multitude de véhicules en stationnement sur le parking ».

Par conséquent, ils concluent que la location de l’appartement constitue une activité commerciale, laquelle est incompatible avec l’occupation bourgeoise visée dans le règlement de copropriété et qu’il y a bien violation de ce dernier.

Cette jurisprudence confirme la tendance des décisions rendues sur le sujet des locations meublées saisonnières ces dernières années (CA Paris, 11 septembre 2013, n°11/12572 ; CA Paris, 21 mai 2014, n°12/17679 ; CA Paris, 15 juin 2016, n°15/18917 ; Cass. Civ 3eme, 8 mars 2018, n°14-15.864)

En effet, la jurisprudence tend bien souvent à sanctionner sévèrement la mise en location de logements situés en copropriété sur des plateformes de type Airbnb, en ordonnant la cessation sous astreinte de l’occupation du logement faisant l’objet d’une location meublée de tourisme.

Les copropriétaires souffrant de nuisances inhérentes aux locations meublées de tourisme et souhaitant conserver la stabilité induite par l’esprit de la clause d’habitation bourgeoise peuvent donc invoquer les dispositions du règlement de copropriété pour faire cesser le trouble qui en découle, dès lors que le caractère commercial de la location de meublés touristiques la rend incomptable avec les dispositions du règlement de copropriété.

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