JURISPRUDENCE – Bail : Attention à la notification du congé par lettre recommandée !
Le 22 novembre 2022
En matière de bail d’habitation, le bailleur ou le locataire souhaitant donner congé peut le faire par voie d’huissier, par lettre recommandée avec accusé de réception, ou par remise en main propre.
Ces modalités sont expressément prévues par l’article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 lequel dispose :
« Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifié par acte d’huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l’acte d’huissier ou de la remise en main propre. »
Le locataire peut être tenté de notifier le congé par lettre recommandée qui présente l’avantage d’un moindre coût.
Toutefois, la notification par lettre recommandée présente un danger : le congé ne produit pas d’effet lorsque son destinataire n’a pas été « atteint » par le courrier.
Par un arrêt récent en date du 21 septembre 2022, la Cour de cassation est venue rappeler ce principe, désormais bien établi (Cass. Civ, 3ème, 21 septembre 2022, n° 21-17.691).
En l’espèce, un locataire avait donné congé à son bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception, postée le 17 avril 2015, pour le 31 juillet de la même année. Cette lettre était revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé ».
Le bailleur l’a, par la suite, assignée en paiement de loyers, de charges et de réparations locatives.
Par un arrêt en date du 6 avril 2021, la Cour d’appel d’Amiens a rejeté la demande de paiement s’agissant du mois d’août 2015, en considérant que le congé avait été régulièrement donné pour le 31 juillet 2015.
La Cour de cassation a censuré cette décision au visa de l’article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 en rappelant que, selon ce texte, le délai de préavis applicable au congé court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée.
Or, dès lors que la lettre recommandée adressée le 17 avril 2015 était revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé », il a été jugé que le congé n’avait pas été régulièrement notifié pour la date mentionnée dans le courrier.
Cet arrêt rendu en matière de bail d’habitation illustre les risques encourus par le locataire à utiliser ce mode de délivrance d’un congé.
Ce risque est transposable, en cas de congé délivré dans le cadre d’un bail commercial sachant qu’en cette matière le non-respect des conditions de délai peut avoir des conséquences beaucoup plus lourdes.
En effet, l’article L 145-4 du Code de commerce prévoit que le locataire a la faculté de donner un congé au moins 6 mois à l’avance par courrier recommandé avec accusé de réception.
L’article R 145-38 dispose qu’en cas de recours au courrier recommandé, la date de notification à l’égard de celui qui y procède est celle de l’expédition de la lettre et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de première présentation de la lettre. Il est ajouté que « lorsque la lettre n’a pas pu être présentée à son destinataire, la démarche doit être renouvelée par acte extrajudiciaire ».
La difficulté est qu’entre la date à laquelle le locataire adresse son congé par courrier recommandé avec accusé de réception et le moment où il prend connaissance du fait que ce courrier n’a pas pu être présenté à son destinataire, il peut se passer plusieurs semaines.
Le locataire est alors tenu de signifier son congé par acte extrajudiciaire ledit congé prenant effet le jour de cette signification.
Or, il est possible qu’il ne soit plus en mesure de respecter le délai de de préavis de 6 mois. Il s’expose ainsi, le cas échéant, s’il s’agit d’un congé à la fin d’une période triennale, à rester locataire trois années supplémentaires…
Outre les risques relatifs aux contestations susceptibles d’être opposées s’agissant de l’identité de l’auteur du congé ou de celle de son destinataire, les incertitudes en termes de délai entourant la notification d’un congé par courrier recommandé avec accusé de réception ne peuvent que conduire à beaucoup de prudence dans l’utilisation de ce procédé.
Au regard du coût très raisonnable d’un congé délivré par huissier de justice et au regard des risques encourus, il est très fortement recommandé de se détourner du recommandé et de privilégier l’acte extrajudiciaire.
Joachim BERNIER
Avocat associé
Simon VENET
Avocat
Avocat associé
MRICS